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Cultivons nos jardins numériques

Culture numérique <=> jardin numérique, vous trouverez peut être l'analogie facile, mais elle est fertile ! On retrouve en effet de plus en plus le vocabulaire propre à l'écologie scientifique dans les discours de « l'innovation numérique », révélant peut-être au passage le caractère « organique » de ces évolutions.
C'est peut-être ce qui rend si difficile le fait de définir ce que l'on entend par « culture numérique ». On peut au moins estimer que ces cultures (car il faut plutôt l'accorder au pluriel), englobent à la fois les productions culturelles traditionnelles (musique, films, livres), dont la « consommation » a grandement évolué avec le développement d'Internet et du haut débit, mais aussi comprennent des créations artistiques qui existent par l'utilisation d'outils numériques dans le processus de création ou de diffusion (le presque antique « NetArt », « L'art numérique », les performances en réseau, …). Partant de cette entrée, il faut élargir le périmètre de notre jardin de cultures numériques à tout ce qui nourrit notre cerveau en passant notamment par le tuyau Internet et le jeux vidéo, transformant ainsi notre paysage imaginaire, nos interactions sociales, notre appréhension de l'espace et du temps, les blagues que l'on peut se raconter le lendemain matin (voir par exemple la guerre des mèmes entre 4chan et Tumblr).
Installation « noradio » - crédit photo Xul
On peut donc mettre plein de choses dans notre jardin numérique, on s'aperçoit pourtant que chez un certain nombre de nos concitoyens, ce jardin numérique est particulièrement pauvre et peu diverse, remarque que l'on peut également formuler à l'encontre de cette génération née de l'Internet (les « digital natives ») qui pour bon nombre, se cantonnent à la fréquentation des grandes surfaces américaines (facebook et youtube en tête).
La culture numérique, c'est aussi s'intéresser aux dynamiques culturelles et mécanismes techniques pour mieux appréhender les enjeux et problématiques d'une numérisation massive de notre quotidien. Des révélations d'Edward Snowden au mythique « ça imprime pas ! », on s'aperçoit que ce quotidien est peuplé d'interactions avec des ordinateurs qui reposent sur une complexité technologique qui ne peut plus tenir dans le cerveau d'un seul homme, il semble alors pertinent que le plus grand nombre s’intéresse au sens de ces évolutions technologiques et en maîtrise mieux les modalités techniques pour ne pas devenir « esclave » de la machine mais garder au contraire une forme d'autonomie, de distance critique éclairée.
Installation vidéo« Terminator mon amour » Yves Duranthon et Sébastien Hoeltzener 2013
Je vous propose donc de partir cultiver notre jardin numérique et de considérer au passage la place des espaces publiques numériques dans cet « écosystème », en commençant par un petit détour par celui de Labomedia, association culturelle basée à Orléans.
Labomedia, clignote depuis 1999

Atelier du c01n - crédit photo Xul
Au gré des projets, à l'image de l'usage désormais transversal aux disciplines artistiques du « numérique », des collaborations se nouent, tantôt sur une scène pour illustrer visuellement un concert rendu accessible à des personnes malentendantes, dans l'espace public autour d'un dispositif de projection impliquant les passants, ou sur le web pour outiller un réseau de cartographes culturels au sein de médiathèques. En parallèle simultané, il s'agissait d'expérimenter différents contextes pour partager expériences et savoirs-faires, connaissances et émotions, via la participation à des événementiels « grand public » ou a contrario l'instigation de moments collectifs impromptus, ou encore en proposant chaque semaine un open atelier de découverte et de pratique (ponctué par le « bit de dieu » à 19h09 où chacun est invité à présenter un projet, une réalisation, une envie), des sessions à l'atelier du c01n de créations en volume, de circuits électroniques artisanaux, de matériels réformés « upcyclés », ou encore d'objets ludiques et pédagogiques.

Atelier du c01n - crédit photo Xul
Tout cela est « fertilisé » par des rencontres, des croisements de réseaux, un principe d'échange selon la recette des logiciels libres, l'implication d'humains et de machines si possible selon des modalités sympathiques bien que portées par une économie périlleuse. Du fait de l'implantation sur un territoire, chaque projet est par nature singulier et donc non transposable, on peut tout de même essayer de trouver des points communs et futurs potentiels à ces cultivateurs de l'espace publique numérique.
Les défricheurs

Installation « Pêter les plombs » - crédit photo Xul
Les petits producteurs
Il existe toute une kyrielle d’initiatives valeureuses autour de la « culture numérique », qu'elles soient portées par des espaces publics numériques, medialabs, médiathèques, hackerspaces, cybersquat, fablabs, centres d'art et centres sociaux, collectifs de citoyens et d'artistes, … .
Ibniz / Viznut
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L'idée selon laquelle le haut débit était désormais dans tous les foyers restant à relativiser, tout comme l'impression qu'avec la simplification technique liée au web 2,0 chacun était à même d'appréhender la complexité du monde auquel cela donnait accès, ces petits et moyens producteurs occupent une place essentielle pour tenter de palier les inégalités culturelles et d'accès aux contenus numériques. L'usage abondant des « téléphones intelligents », l'omniprésence annoncée des objets connectés à Internet, la possibilité de (presque) tout fabriquer et programmer, toutes ces évolutions sont porteuses de nuages tout comme de potentiels rayons de soleils, d'autant plus s'il existe une multiplicité de possibilités pour accompagner de façon désintéressée les usages et usagers dans la direction la plus clairvoyante.
La multiplication des *labs (fablab, medialab, hacklab, livinglab, …) révèlent l'envie et le besoin de se réunir dans un lieu physique pour apprendre et créer ensemble autour de ces *numériques. Favoriser l'émergence de ce type de lieux et contextes ainsi que leur mise en réseau pour aider partages et échanges est certainement de nature à susciter de la diversité, du partage de ressources qui peuvent par la suite, replantées, donner naissance à des fleurs permettant de remonter le bien être de l'humanité de 10 points (par fleur), tout comme à des légumes sapides générateurs de nouvelles formes économiques.
La coopérative mondiale
Il existe dans ce monde sympathique des cultivateurs du bien commun numérique des organisations non gouvernementales qui développent des dynamiques de coopération et d'intelligence collective parfois à l'échelle internationale, un des premiers exemples qui vient en tête est celui de Wikipedia bien sur, mais la production et le partage de ressource existe aussi à plus petite échelle, parfois dans une logique de personne à personne (P2P !), les connaissances se diffusant alors par cercle plus ou moins concentriques.
Le « réseau social » de l'association Goto10 basée à Poitiers
Jardiland vs Caterpillar
Mangeons du bio !
J'ai peu jusqu'à maintenant évoqué l'intervention directe d'institutions publiques dans cette culture numérique, de l'école en passant par les ministères car il y a aussi dans ces lieux une multiplicité d'initiatives pour certaines florissantes, pour d'autres plus arides. Là aussi une coopération entre une diversité d'acteurs semble fertile, les « petits » pouvant apporter « aux gros » dans une relation symbiotique à équilibrer. Pour compliquer le tableau, il y a parfois des défricheurs au sein de grandes institutions publiques et des petits producteurs qui aspirent à devenir des multinationales, le tout restant peut être de nourrir notre cerveau avec des bons contenus savoureux et dont on connaisse la provenance, le producteur et de partager cette dégustation avec les plus jeunes et plus vieux d'entre nous pour conserver un rapport amical avec le genre informatique.
Benjamin CADON / Labomedia – Licence CC by-SA
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